Crédit photo : Louis Legon pour Sport Testing
décembre 2021 -Boissons d’effort : pourquoi personne n’est d’accord
Les boissons d'effort : pourquoi personne n'est d'accord
En entraînement et en nutrition du sport, on personnalise tout selon l’athlète et on adapte tout selon l’objectif de la séance et l’environnement. La boisson d’effort universelle n’existe pas.
1) Généralités sur les boissons d'effort
La boisson d’effort pour rôle de maintenir l’état d’hydratation, l’équilibre minéral et les réserves de glycogène au cours de l’effort.
Un apport en glucides lors d’effort intenses et/ou prolongés permet d’améliorer significativement les performances.
A l’entraînement, le maintien des stocks de glycogène par le ravitaillement glucidique permet de récupérer plus vite ses capacités. Ceci est particulièrement utile en entraînement bi-quotidien.
De plus, les athlètes ayant des apports énergétiques très élevés risqueraient de ne pas réussir à s’alimenter suffisamment dans la journée pour compenser les pertes.
La présence de glucides sur les récepteurs des muqueuses buccales permet aussi une amélioration des performances. Et ce, même lorsque les glucides ne sont pas ingérés ensuite. Le rinçage de bouche est une technique parfois utilisée, elle permet également d’amorcer les processus digestifs.
Un apport en sodium vient améliorer l’absorption de l’eau et du glucose. Il permet aussi de compenser, avec les autres minéraux, les pertes électrolytiques liées à la sudation.
La caféine, les vitamines, acides aminés et autres suppléments ne font pas partie de la définition “classique” de la boisson d’effort. On les retrouve néanmoins dans de nombreux cas, notamment dans les boissons du commerce.
2) Les variables de la boisson d’effort
Les axes principaux de la boisson d’effort sont :
La quantité de glucides par heure dont tu as besoin, selon
- l’intensité et la durée de l’effort,
- l’état préalable de tes stocks de glycogène
La quantité d’eau par heure que tu vas boire selon
- la température et l’humidité de l’air,
- ton débit de sudation
La quantité de glucides/minéraux que tu mets par litre (osmolarité) selon
- selon ta tolérance digestive
- l’objectif principal (hydratation / énergie),
- la salinité individuelle de sudation,
- la répartition que tu préfères entre liquide et solide
La combinaison de ces facteurs implique des compromis.
En effet, si l’on souhaite un gros dosage en glucides, mais que l’on n’est pas capable de boire assez pour les diluer correctement, nos capacités digestives risquent de nous limiter et/ou cela risque de nuire à notre hydratation en raison du caractère hypertonique de la boisson.
Pour plus de flexibilité, je conseille d’acheter tes glucides séparément des électrolytes. Comme ça il est possible de faire des tests de concentration ou simplement adapter la quantité de glucides aux diverses séances d’entraînement. Tout cela sans toucher à la concentration en électrolytes.
Ainsi, on peut envisager une sortie de 2 heures sans glucides en intra, juste avec des électrolytes voire une toute petite dose de glucides pour améliorer l’absorption intestinale de l’eau par cotransport sodium-glucose.
Pour une séance intense, on pourra doser plus de glucides, faire des tests et avoir une potion presque magique pour ta compétition.
Cela évite aussi de subir les dosages en caféine de certaines boissons (caféine qui ne fait officiellement pas partie des ingrédients de la boisson d’effort). La caféine anhydre se trouve aussi dans le commerce, le dosage peut également être personnalisé.
Pour faciliter l’apport en glucides on peut aussi jouer sur les aliments solides en complément. Attention, ils nécessitent aussi de l’eau pour être bien digérés. Cependant, cela ne résout que partiellement le problème d’osmolarité si les capacités digestives sont trop faibles.
De plus, lors d’un effort physique, le système digestif n’est plus irrigué, on parle d’ischémie. La capacité de digestion s’en trouve limitée.
L’utilisation d’arômes peut encourager la prise hydrique.
Idéalement température de la boisson d’effort est de 10 à 13 degrés
3) Combien de glucides par heure ?
Ensuite, quelle quantité de glucides par heure ? Il semble qu’1 à 1,2 g de glucose par minute d’exercice musculaire soit un maximum tolérable par l’organisme. On peut aller au-delà en combinant le glucose au fructose. La vitesse d’oxydation du fructose est de 0,5 à 0,6 g par heure.
Et pour les polymères de glucose, cela va de 0,6-0,8 g par minute à des taux très proches de ceux du glucose. Pour de l’amidon (pâtes etc.), on est sur un taux d’oxydation inférieur à 0,6 g par minute. Ceci est à prendre en compte pour l’alimentation solide.
Un ratio de 2:1 doit être respecté entre le glucose et le fructose pour éviter les troubles digestifs.
Au maximum, on pourrait donc, selon ces calculs, tirer profit de 108 g de glucides par heure. Ce qui semble cohérent avec les apports allant jusqu’à 120 g par heure chez les professionnels, en sachant que ceux-ci ont des produits très optimisés et entraînent leurs capacités digestives.
Aussi, le seuil maximal serait plus faible chez les femmes.
Evidemment, si vous vous lancez dans un entraînement d’une heure, en ayant mangé suffisamment avant, avec des stocks de glycogène pleins et sans avoir pour but d’entraîner la tolérance digestive à la prise de glucides, il est inutile d’aller jusqu’à des doses si élevées !
En résumé : avec 40 à 60 g de glucides par heure selon la capacité à boire en volume de l’athlète (cf partie suivante) c’est déjà bien pour un niveau amateur, et peu risqué sur le plan digestif, mais pour des courses plus longues ou à haut niveau il est intéressant de suivre un protocole Gut Training pour s’entraîner à tolérer plus de glucides.
Plus la course est longue ou intense, plus il est nécessaire d’augmenter l’apport en glucides. D’autant plus que sur les ultra efforts, la dépense énergétique “habituelle” des fonctions vitales du corps s’ajoute à celle liée à l’effort physique.
4) L’osmolarité de la boisson d'effort : combien de glucides par litre ?
Si l’objectif principal est l’hydratation (conditions chaudes, déshydratation avancée), la boisson doit être hypotonique ou isotonique, mais jamais hypertonique. Car cela signifierait que son osmolarité est supérieure à celle du sang. Cela risque de créer un gradient de concentration des tissus vers le tube digestif. Si l’objectif est la maximisation de l’apport glucidique, on peut utiliser une boisson hypertonique mais attention aux troubles digestifs, cela nécessite d’avoir l’habitude de ce type de concentrations, sinon il y a un risque conséquent de diarrhées et de déshydratation.
L’osmolarité du sang est de 290 mOsml/kg. Ainsi, il ne faudra pas dépasser 87.5 g de glucides par litre de boisson pour rester sur une boisson isotonique (330 mOsml/kg d’eau) même si cela varie selon les glucides utilisés.
Le sucrose, le maltose et la maltodextrine ont une osmolarité faible qui permet de maximiser la quantité de glucides.
Dans l’idéal, on compte 3 à 8% de glucides, pas plus.
Plus il fait chaud et humide, plus on dilue les glucides et plus il fait froid, plus on peut concentrer la boisson. Cela dépend en fait de la quantité nécessaire pour s’hydrater selon les conditions climatiques.
Le volume d’eau à consommer est déterminé individuellement et ajusté à la tolérance de chacun, en essayant de compenser au maximum les pertes hydriques. il est rarement possible de tout compenser pendant l’effort. Une estimation peut être faite à partir des caractéristiques de l’exercice (intensité, durée), des conditions environnementales (température ambiante, humidité) et des facteurs individuels (niveau d’entraînement et d’acclimatation), ou par double pesée sur des efforts similaires.
Enfin, une boisson très concentrée diminue la vitesse de vidange gastrique et donc la disponibilité des glucides et la vitesse d’hydratation. La vitesse de vidange gastrique peut être améliorée par l’entraînement digestif. Ainsi, là encore un athlète qui consomme régulièrement des boissons hypertoniques ne rencontrera pas de problème particulier. Attention à la dilution conseillée sur les étiquettes produit !
5) Quelle quantité d’électrolytes dans la boisson d'effort?
Le sodium et les électrolytes jouent peu sur l’osmolarité de la boisson. Cependant, une boisson trop salée peut générer des troubles digestifs et nuire à l’appétence pour la boisson d’effort.
L’apport en sodium et en électrolytes dépend donc des pertes sudorales et des capacités digestives.
On compte de 460mg à 1150 mg par litre. En effet, le sodium améliore l’absorption de la boisson par effet de coopération entre les transporteurs.
Ensuite, on peut ajouter 150 à 225 mg de potassium par litre de boisson d’effort ainsi que du calcium, du fer, du magnésium, du chlore. Privilégiez les formes les plus biodisponibles (plutôt des citrates que des oxydes par exemple)
De façon générale, 40 à 60 g de glucides par heure dilués dans 750 mL à 1L d’eau avec 500 mg de sodium par litre semble être un dosage donnant des résultats très satisfaisant sur la performance tout en limitant considérablement le risque de troubles digestifs.
Conclusion
Pour conclure, vous l’aurez compris : il n’y a pas de recette miracle. Faites vos tests pour trouver le bon ratio alimentation solide/boisson et surtout entraînez progressivement vos capacités digestives. N’hésitez pas à vous faire aider par un diététicien du sport.
J’espère enfin que cet article vous aura permis d’y voir plus clair et de relever quelques erreurs qui, peut-être, vous ont causé du tort en compétition.
Quelques sources :
C.- Y. Guezennec, Les boissons de l’effort : bases physiologiques de leurs utilisations et composition
J. SICARD, L’hydratation, au cœur de la stratégie nutritionnelle du sportif
N. KOULMANN, X. BIGARD, Nutrition du sportif – Hydratation et sport